Friday, May 24, 2019

139b doit être modifié en retirant 4 mots

Résumé du contexte

Pour comprendre ce qui suit, il est utile de rappeler que la municipalité de Vevey est composé de cinq membres, soit la Verte Madame la syndique Elina Leimgruber, le PLR Monsieur Etienne Rivier, le socialiste Monsieur Lionel Girardin, le Vevey Libre Monsieur Jérôme Christen, et le Vevey Libre Monsieur Michel Agnant.

Au printemps 2018 par décision du Conseil d’Etat, M. Girardin a été suspendu de sa fonction de municipal pour suspicion de gestion déloyale et abus de biens sociaux. 

Quelques mois plus tard, soit en décembre 2018 par décision du Conseil d’Etat, MM Agnant et Christen ont été suspendus à leur tour, pour suspicion de violation de secret de fonction en lien avec leurs efforts de mise en lumière des agissements de leur collègue Girardin.

Ces trois suspensions trouvent leur base légale dans l’article 139b de la loi sur les communes vaudoises.

La loi sur les communes du canton de Vaud stipule qu’en présence de justes motifs, le Conseil d’Etat peut suspendre un élu communal, sur demande soit de la municipalité, soit les deux tiers d’un conseil communal.

Voici l’article en question:

Art. 139b Suspension et révocation 

1 En présence de motifs graves, sur requête de la municipalité ou de la majorité des deux tiers du conseil général ou communal, le Conseil d'Etat, peut suspendre un ou plusieurs membres de la municipalité ou du conseil général ou communal. Le Conseil d'Etat détermine la durée de la suspension, qui ne peut excéder une année. La décision est renouvelable dans le cas où une procédure pénale reste pendante.

2 Constituent des motifs graves toutes les circonstances qui, selon les règles de la bonne foi, ne permettent pas la continuation du mandat pour lequel le ou les membres de la municipalité ou du conseil général ou communal ont été élus ou sont de nature à compromettre la confiance ou l'autorité qu'impliquent leurs fonctions. Sont notamment considérés comme de tels motifs l'ouverture d'une instruction pénale à raison d'un crime ou d'un délit, une incapacité durable, une absence prolongée ou une violation des dispositions de la présente loi en matière de conflit d'intérêt ou d'interdiction d'accepter ou de solliciter des libéralités ou d'autres avantages (au sens des articles 65a et 100a de la présente loi).

(voir l’article complet pour la partie concernant la révocation)

En résumé, pour qu’une suspension soit prononcée, trois critères doivent être réunis: des motifs graves, une demande formelle des institutions communales et une décision du gouvernement cantonal.

A priori, ces trois critères apparemment indépendants protègent les élus communaux d’une suspension arbitraire.

Les accusations de violation du secret de fonction par MM Agnant et Christen se basent sur trois dénonciations distinctes, toutes signées de la main de la syndique, Mme Elina Leimgruber. A ma connaissance, la dénonciation la mieux documentée concerne le partage de certains documents avec la commission de gestion de la ville de Vevey. Pour mémoire, la commission de gestion est l’organe de surveillance de la commune et ses membres sont assermentés.

Voici l'essentiel de cette accusation selon ma compréhension: alors que président de la commission gestion, Monsieur Gilles Perfetta aurait reçu des documents contestés, en particulier la transcription d’échanges entre les membres de la municipalité ou ces derniers et leurs collaborateurs. Prenant connaissance de la diffusion de ces documents au sein de la commission, la municipalité aurait déposé plaintes distinctes auprès du ministère public contre M. Perfetta ainsi que MM. Agnant et Christen.

Comment est-ce que la municipalité ait pu avoir connaissance de la diffusion de certains documents circulant au sein de la commission? Dans un cas particulier, M. Perfetta, après avoir reçu un n-ème document contesté, l'aurait partagé avec les 12 autres membres de la commission, dont plusieurs membres socialistes. Certains de ces membres auraient sommé M. Perfetta d'informer la municipalité de la diffusion dudit document au sein de la commission de gestion. Le délai imparti écoulé, ces membres auraient directement contacté la municipalité pour dénoncer les informations circulant au sein de la commission.

Par ailleurs, le procureur a récemment émis une ordonnance de non-entrée en matière concernant M. Perfetta. Cette ordonnance NEM constitue décidément une étape importante dans cette saga.

Entre parenthèses, la procédure mise en place par la municipalité pour donner ou refuser accès aux membres de la commission de gestion aux documents souhaités est un autre sujet majeur qui mérite discussion (mais pas ici).


Prenons à présent les trois verrous de l’article 139b un à un.


Premier verrou

Je constate que les multiples dénonciations à l’encontre de MM Agnant et Christen émanent de la syndique. Il convient ici de distinguer entre dénonciation, ouverture d'enquête et condamnation. Il est communément admis qu’une dénonciation au ministère public ne prouve rien. Mais contrairement à la croyance commune, l'ouverture d’une enquête pénale par le procureur constitue un obstacle relativement facile à franchir. Il suffit d’un dénonciateur déterminé et d’une dénonciation un minimum documentée pour qu’une enquête pénale soit ouverte. En effet, en présence de dénonciations multiples et motivées, le ministère public est obligé d’ouvrir une enquête. Dans le cas contraire, le procureur peut être accusé de déni de justice et s’exposer lui-même à des sanctions.

Deuxième verrou

Dans une municipalité où la syndique, soutenue par un seul autre municipal élu, arrive à imposer sa volonté selon ses envies, la notion de collégialité perd toute sa substance. En l'espèce, la majorité municipale, à savoir Mme Leimgruber et M. Rivier, ont formulé la demande de suspension auprès du Conseil d’Etat Vaudois. L’autre chemin prévu dans la loi, celui de la majorité qualifié du ⅔ du conseil communal, n’a pas pu être emprunté, faute de majorité qualifiée. Seul la majorité simple d’une voix a donné son accord pour la demande de suspension. A titre de comparaison, lors de la demande de suspension de M. Girardin, il manquait seulement une voix pour atteindre la majorité qualifiée de 2/3 du conseil communal. Pour résumer, les deux premiers verrous censés protéger contre une suspension arbitraire n’ont pas résisté à l’assaut d’une syndique déterminée.

Troisième verrou

Il demeure la question de la décision du Conseil d’Etat d'entériner la demande de suspension de MM. Agnant et Christen émanant de la “majorité” municipale. Comment est-ce que le Conseil d’Etat, l’autorité suprême de surveillance des communes vaudoises, ait pu se contenter d’agir comme une simple chambre d’enregistrement?

Les 
explications publiques de Mme Béatrice Métraux, cheffe du département des institutions et de la sécurité, laissent à penser qu’elle a privilégié le fonctionnement de la commune à court terme, surtout à l'approche de la fête des vignerons. Mme Métraux évoque également la présence de “motifs graves” mentionnés dans l’article 139b, à savoir l’ouverture d’une instruction pénale. Or, comme mentionné précédemment, l’ouverture d’une instruction pénale est un obstacle relativement facile à franchir et ne devrait pas être la seule motivation pour suspendre un élu municipal.

Une maniéré relativement simple d’éviter le genre d’abus décrits ci-dessus est de réserver la compétence de la demande de suspension prévu dans l’article 139b uniquement à la majorité de ⅔ du conseil communal et de la retirer à la municipalité.

L'article 139b deviendrait:

1 En présence de motifs graves, sur requête de la majorité des deux tiers du conseil général ou communal, le Conseil d'Etat ... [reste de l'article inchangé].

Ce changement revient à retirer les mots "la municipalité ou de", soit 4 mots de la version actuelle de l'article. 

Avec cette modification, il serait plus difficile mais toujours possible de suspendre un municipal. Avec la version actuelle, un petit nombre de personnes peut amener à la suspension d'un collègue. La modification repartit la compétence de suspension d'un élu entre les mains d'un cercle plus élargi de personnes.   



Une municipalité à 7 membres 

En attendant la modification éventuelle de la loi au niveau cantonal, l’augmentation du nombre de sièges de la municipalité de 5 à 7 me paraît être une bonne option. Le gain de paix probable vaut largement les salaires supplémentaires.

No comments: